Conseil de la Métropole du 10 décembre 2018
Intervention de Béatrice Vessiller
N° 2018-3254 – Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté – Démarche de concertation volontaire et candidature de la Métropole de Lyon comme territoire démonstrateur
Monsieur le Président, cher-e-s collègues,
J’interviendrai au nom des deux groupes PRG1 et EELV.
La pauvreté dans notre pays ne recule pas malgré la hausse des dépenses sociales ; reproduction de la pauvreté, accroissement des inégalités sociales et économiques, non-recours aux droits. Rappelons qu’en France, un tiers des aides allouées aux plus pauvres n’est pas perçue car les murs administratifs restent infranchissables pour des personnes en grande situation de précarité. Une réalité à mille lieues des portraits « d’assisté-e-s profiteurs » que certains dénoncent.
Face à ce constat, le gouvernement a annoncé en septembre un plan très attendu de lutte contre la pauvreté et vous nous proposez ce soir de nous inscrire dans cette démarche nationale pour mettre en œuvre des actions dans la métropole. Nous y souscrivons, même si nous regrettons que la délibération ne précise pas encore les mesures concrètes que la Métropole mettra en place pour agir en faveur de nos concitoyen-ne-s les plus pauvres.
Nous saluons différentes mesures que comporte le plan national : développement de services de proximité comme la réouverture de centres sociaux, de crèches, la mise en place d’un tarif cantine à 1€ pour les enfants de familles en grande difficulté (un point positif quand on sait que dans les familles pauvres, en France, on mange moins de 3 repas par jour, avec des apports en-deçà des besoins alimentaires). Il y a aussi la simplification des processus d’accès aux aides et l’extension des territoires « zéro chômeur », et pour notre territoire, ce dispositif conduit sur Villeurbanne Saint-Jean montre tout son intérêt.
Cependant, à l’instar de nombreuses associations du secteur, nous sommes inquiets des budgets alloués. La somme de 8 milliards d’euros sur 4 ans a sonné en septembre comme une annonce encourageante ; pourtant, la moitié provient de budgets réalloués et son montant total est bien inférieur aux cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises et aux plus grandes fortunes personnelles et héritées (20 milliards du CICE2, 5 milliards de suppression de l’ISF3…).
Depuis la proclamation de ce plan, les colères exprimées ces dernières semaines n’ont fait que renforcer cette situation d’injustice sociale. Et la reculade du gouvernement sur la taxe des carburants du quotidien ne résoudra pas ces inégalités sociales croissantes, installées depuis longtemps et aggravées sous ce gouvernement resté sourd aux multiples mises en garde des collectivités, organisations syndicales, et autres corps intermédiaires. Et évidemment, nous tenons à rappeler que, loin d’opposer « la fin du mois et la fin du monde » (une expression des écologistes largement reprise ces derniers jours), notre pays doit engager conjointement la lutte contre les inégalités sociales ET environnementales. Pour cela, il doit affecter la totalité de la fiscalité écologique à la transition énergétique avec une redistribution juste envers les plus fragiles, pour désintoxiquer l’ensemble de notre société des énergies fossiles et permettre à tous un « bien vivre », qui doit être, encore plus pour les plus pauvres, un « mieux vivre ».
Dans le plan national de lutte contre la pauvreté, nous regrettons aussi que rien ne soit prévu en faveur du logement, alors que l’accès au logement abordable et décent participe largement à la sortie de la pauvreté. Nous ne reviendrons pas ici sur les iniques décisions budgétaires 2018 et 2019 de réduction de loyer de solidarité imposées aux bailleurs sociaux, qui réduisent leurs moyens de production et de rénovation du parc social, mais cette mesure reste une aberration, et surtout une injonction contradictoire par rapport au discours sur la lutte contre la pauvreté. Toutefois, la présente délibération comprend un volet logement, que ce soit le lien avec le PLALHPD4 ou la démarche Logement d’abord : nous saluons ce choix de notre Métropole et souhaitons que, dans les négociations à venir avec l’État, la Métropole obtienne des moyens financiers supplémentaires dans ce domaine. Par exemple, la lutte contre la précarité énergétique doit faire l’objet d’actions concrètes et nouvelles, par rapport à ce que nous faisons aujourd’hui, même si cela ne semble pas figurer dans les axes définis par l’État.
Nos groupes sont tout à fait partants pour contribuer à l’élaboration des mesures à mettre en place, le « territoire démonstrateur », pour proposer au plus vite la contractualisation avec l’État d’un ensemble d’actions et de co-financements à la hauteur des enjeux. Le principe d’y associer des bénéficiaires nous paraît tout à fait intéressant et novateur : nous devons réussir ce point de méthode, qui contribuera à rendre nos propositions plus pertinentes.
Nous voterons favorablement cette délibération.
Je vous remercie.
Seul le prononcé fait foi
1 Parti radical de gauche
2 Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
3 Impôt de solidarité sur la fortune
4 Plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées