
Conseil de la Métropole du 28 janvier 2019
Intervention d’Émeline Baume
N° 2019-3291 – Mission d’information et d’évaluation portant sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et son évolution
Monsieur le Président, cher-e-s collègues,
Pour passer d’une politique publique des déchets dite de salubrité (ce qui était le cas au début du XXème siècle) à une économie circulaire territoriale, il convient de s’organiser collectivement, y compris en mobilisant les fonds publics.
Le groupe des élu-e-s EELV considère que la fiscalité locale doit être un outil de régulation et d’accélération du changement d’échelle. Elle doit être un outil au service du « zéro déchet, zéro gaspillage » en contribuant à structurer une offre de service accessible tant aux ménages et foyers de toute l’agglomération qu’aux entités publiques ainsi qu’aux activités économiques de toute proximité (artisans et commerçants de cœur de quartier, en pied d’immeuble).
Le mécanisme de financement de la politique publique en matière de déchets est lié à ses objectifs, qui ont sensiblement évolué depuis un siècle. La taxe d’enlèvement des ordures ménagères est apparue en 1926. C’est alors que les chiffonniers ont été remplacés par un service de collecte des déchets ménagers pour assurer l’hygiène d’une ville en développement. Ont été mises en place des bennes à ordures ménagères étanches (1935), la collecte en porte-à-porte, des contenants fermés et les usines d’incinération (en 1929 à Villeurbanne). Cet objectif reste majeur et impose à notre collectivité des coûts d’investissements et de fonctionnement importants, notamment pour l’activité des sites industriels de tri, d’incinération et d’enfouissement.
En 1975, la loi institue la Responsabilité Élargie du Producteur (REP) par laquelle les producteurs, importateurs et distributeurs de produits sont amenés à contribuer au service concernant les déchets. L’objectif est d’assurer une « vérité des prix ». Si une activité génère une pollution, le coût de cette pollution doit être financé par l’auteur et non la collectivité (principe du pollueur-payeur). Aujourd’hui, une quinzaine de filières REP sont organisées mais les coûts restent assumés aux trois quarts par les collectivités territoriales. Il s’agit donc d’utiliser à plein cette marge de manœuvre.
La récente loi de transition énergétique pour une croissance verte (TECV), tout en intégrant les objectifs précédents, inscrit la politique des déchets dans l’économie circulaire. Circulaire parce qu’il s’agit de préserver les ressources existantes (eau, énergie, sol, minerais…) et de transformer les déchets en nouvelles ressources (valorisation matière et énergétique). Économie parce que le déchet prend une valeur qui tend à réduire les gaspillages, les dépôts sauvages et l’enfouissement au profit du tri et de la valorisation en proximité (boucles locales). Pas à pas, les réglementations européenne et nationale outillent autant l’amont que l’aval afin de préserver l’écosystème naturel tout en créant localement des activités économiques et non économiques. Un de ces outils est la hiérarchie des modes de traitement (prévention, réutilisation, recyclage, valorisation énergétique et élimination) pour lesquels la réglementation définit des objectifs précis.
La Métropole de Lyon a été l’une des soixante collectivités lauréates de la démarche nationale nommée « Territoire zéro déchet zéro gaspillage ». Notre territoire s’inscrit dans les moyennes nationales annuelles de production de déchets par habitant. Toutefois, son empreinte matérielle est plus élevée que d’autres aires urbaines (Paris, Bordeaux, Marseille). Par conséquent, autant pour réduire les risques d’approvisionnement à moyen terme en matières et en énergie que pour développer le potentiel de création d’activités non-délocalisables, l’enjeu est d’inscrire notre territoire dans la dynamique du XXIème siècle en matière de déchets, comme la réglementation nous y invite.
Pour les élu-e-s écologistes, quatre leviers sont à mobiliser par notre collectivité pour tenir les obligations réglementaires et ainsi assurer un service de qualité aux habitant-e-s, tout en accompagnant une transition de nos modes de production et consommation :
- Agir sur l’offre de consommation dite responsable et accessible à tous pour « consommer mieux, afin de jeter moins ». Concrètement, avant de pénaliser l’habitant-e pour sa quantité de déchets produits, la collectivité doit faciliter la proposition d’alternatives partout sur le territoire et répondant aux besoins essentiels (alimentation, hygiène, vêtements …).
Ceci concerne les politiques de développement économique avec l’accélération de projets entrepreneuriaux, la facilitation d’implantation avec du foncier métropolitain mobilisé, l’ouverture de nos données, la logistique du dernier kilomètre etc. C’est entre autres une partie du champ d’action de la délégation « économie circulaire », avec un « appel à manifestation d’intérêt » qu’il convient de renforcer et dupliquer. Par ailleurs, notre collectivité doit absolument se doter d’un cadre de commande publique exemplaire avant fin 2020 en adoptant son schéma de promotion des achats responsables ;
- Mobiliser l’envie d’agir de chacun, accompagner les changements de comportements de façon pérenne : il est là question d’éducation populaire et citoyenne.
Pour sortir du rêve de l’accumulation de biens et aller vers des modes de vie plus intenses en expériences et en liens, partout où des initiatives habitantes émergent, il faut accompagner et communiquer largement sur ces démarches et réalisations collectives à forts impacts sociaux et environnementaux. L’actuel plan éco-citoyen de la Métropole porte cette ambition qu’il faut nécessairement renforcer ;
- Informer, partager et faire partager par les acteurs du territoire au moins deux fois par an nos problématiques territoriales en matière de déchets mais aussi et surtout de ressources (eau, sol fertile, métaux…). Construire une vision commune, une envie commune, comprise et partagée à horizon 2025-2030 serait garante du respect des objectifs de la loi TECV. Notre communication institutionnelle n’a jamais abordé l’enjeu des ressources matières pour répondre aux besoins actuels de notre population. Il est temps d’informer sur l’impact de notre niveau de confort et les solutions pour le maintenir pour tous. Ceci serait tout à fait opportun au regard des travaux d’élaboration du prochain Plan Climat Air Énergie métropolitain. ;
- Inciter avec la fiscalité locale : l’actuelle TEOM doit être revue afin qu’elle favorise drastiquement le tri de tous (y compris des activités économiques implantées en pied d’immeuble en cœur de quartier) ainsi que la lutte contre les gaspillages (alimentaires, de matériaux …).
À cet effet, dès 2019, une étude doit être mise en place afin de trouver la bonne formule incitative qui sera juste socialement, efficace économiquement et environnementalement. Par ailleurs, la Métropole doit aussi s’engager au-delà d’une étude à expérimenter une mise en œuvre dès 2021.
Enfin, la Métropole de Lyon doit respecter la législation et affecter les recettes de la TEOM à l’ensemble des actions de réduction des déchets.
C’est avec ce cap-là que notre collectivité limitera au prochain mandat (2020-2026) ses dépenses d’investissements vers des sites industriels gourmands en tonnage pour mobiliser l’argent public vers des boucles locales d’économie circulaire parmi lesquelles : la location et l’échange, la réparation, le réemploi, le retour à la terre de biodéchets, le recyclage matière.
Je vous remercie pour votre attention.
Seul le prononcé fait foi