Conseil Métropole / EcoDDS / Émeline Baume

Conseil de la Métropole du 24 juin 2019

Intervention d’Émeline Baume

N° 2019-3621 – Déchets – Collecte séparée des déchets diffus spécifiques – Contrat avec l’éco-organisme EcoDDS

Monsieur le Président, cher-e-s collègues,

 

Nous votons ce jour une convention entre notre Métropole et un organisme agréé pour collecter et détruire les produits toxiques et dangereux déposés dans nos déchèteries. C’est l’occasion pour nous de souligner les failles et les limites de notre système de recyclage basé sur une confiance un peu aveugle envers les organismes agréés.

En cette période où l’écologie est fortement convoquée mais où dans le même temps les écocides ne sont si reconnus ni combattus, ce rapport est l’exemple symptomatique de nos diverses contradictions et incohérences.

Je m’explique :

EcoDDS est une société privée constituée de 48 actionnaires parmi lesquels Bayer mais aussi Leroy Merlin. À titre indicatif, elle a réalisé 20 millions de chiffre d’affaires en 2017.

Cette entreprise, depuis 2012, est celle qui reçoit l’éco-contribution dont vous habitant-e-s vous acquittez en achetant un pot de peinture ou de colle à bois mais aussi les biocides par exemple.

Ainsi, EcoDDS doit assurer la reprise en déchèterie publique des déchets que l’on nomme diffus et dangereux puis leur fin de vie de la façon la moins pire possible pour le milieu naturel, ou dit autrement avec les impacts environnementaux les plus réduits possibles.

Vous l’aurez compris, cette entreprise est un éco-organisme. C’est-à-dire que sa fonction est juste et uniquement de faire appliquer le principe de pollueur-payeur. Pour rappel, le pollueur n’est pas le consommateur dans la vision que portent les écologistes mais bien ce que l’on nomme le « metteur en marché », c’est-à-dire l’entreprise qui conçoit, emballe, « markete » un produit toxique et polluant.

Pour être cette plateforme de redistribution, l’éco-contribution devant financer la collecte dans toute la France et le traitement desdits produits, cette entreprise est agréée par l’État.

Dans notre pays, une seule entreprise est labellisée pour ce type de déchet. Il n’y a pas de concurrence.

Dans le comité d’agrément, les fabricants sont majoritaires. Les collectivités locales qui assurent un service en déchèterie et qui font aussi face aux dépôts sauvages sont donc bien en peine de faire valoir leurs voix ! L’État, quant à lui, ne peut jusqu’à ce jour qu’intervenir avec des sanctions administratives en cas de défiance. C’est dire la crainte des fabricants !

Courant janvier, EcoDDS a indiqué à la Métropole de Lyon qu’elle ne viendra plus en déchèterie vider de leur contenu les conteneurs de déchets polluants. La Métropole a continué à assurer le service, c’est-à-dire à trouver une entreprise pour la collecte et le traitement. La facture hebdomadaire a été de 30 000 € environ. Le conflit avec l’État au travers des collectivités a duré plusieurs semaines.

Par ailleurs, cette entreprise demande aux agents de déchèteries de différencier le pot de peinture de l’artisan de celui du ménage … EcoDDS ne veut prendre en charge que le pot de peinture de l’habitant-e. Le professionnel fera plus de kilomètres pour aller en déchèterie professionnelle ou bien laissera au bord d’un chemin ses pots… à la charge de la collectivité…

 

Les incivilités volontaires ou involontaires de vidage dans l’évier ou lavabo, les toilettes ou encore dans nos cours d’eau ont un coût conséquent qu’EcoDDS ignore. Il y a le coût de pollution directe mais aussi les effets induits de diminution de biodiversité et donc des nombreux services rendus par la nature !

 

Aujourd’hui, 10% des collectivités dont la Métropole de Lyon représentant 15% des Français font le choix de dire à cette entreprise qui a été entre-temps réagréée :

  • Remboursez entièrement les frais assumés par la Métropole ;
  • Assurez complètement votre service en prenant tous les déchets chimiques, toxiques et polluants.

 

Cette situation amène le groupe des élu-e-s écologistes à dire aux parlementaires de cette assemblée :

Dans la loi économie circulaire qui sera discutée cet automne :

  1. Faites le nécessaire afin que les éco-organismes voient leurs gouvernances changer radicalement avec le pouvoir du côté des consommateurs et des collectivités ;
  2. Imposez des diagnostics indépendants de mise sur le marché de ces produits afin de fixer des objectifs clairs de collecte des produits à atteindre par l’éco-organisme ;
  3. Prévoyez des sanctions à la hauteur des écocides perpétrés sur le vivant ;
  4. Fixez un pourcentage de l’éco-contribution dédiée au développement des alternatives aux produits chimiques et polluants dont les habitant-e-s et artisans se servent pour l’habitat, le jardinage etc.

 

Parce que la main du marché, même avec un gant protecteur, ne peut pas modifier des pratiques polluantes générant un profit trop lourd de conséquences sociales et environnementales, la transition écologique et sociale impose un renversement des logiques !

L’ensemble des efforts de recherche et développement et expérimentations mais aussi l’ensemble des accompagnements qui vont de l’information à l’éducation à l’environnement doivent être assurés par un système de redistribution alimenté par les pollueurs. Bien entendu, cette logique prendra fin dès lors que la majorité des professionnel-le-s et habitant-e-s auront en proximité et à un coût raisonnable accès aux alternatives.

 

Je vous invite à soutenir la démarche de la Métropole pour faire pression sur cet éco-organisme et qu’il tienne ses obligations.

 

 Je vous remercie.

 

Seul le prononcé fait foi