Conseil de la Métropole du 27 avril 2018
Intervention de Bruno Charles
N° 2018-2768 – Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) de la Région Auvergne-Rhône-Alpes – Contribution de la Métropole de Lyon
M. le Président, cher-e-s collègues,
Puisque nous avons hier inauguré le nouvel Hôtel-Dieu, permettez-moi d’invoquer la mémoire d’un grand humaniste qui a œuvré en tant que médecin dans l’hôpital qui s’appelait alors l’hôpital du pont du Rosne, je veux parler de François Rabelais.
Dès le XVIe siècle, Rabelais nous a prévenus que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Au lieu d’écouter cette voix sage, nous avons laissé la technique détruire les écosystèmes et la biosphère au nom de la compétition économique. Or, comme le disait le grand humaniste : « par le temps toutes choses viennent en évidence ; le temps est père de vérité ». Et nous sommes entrés dans le temps des conséquences écologiques.
La période temporelle couverte par les documents de planification que nous élaborons aujourd’hui, la décennie 2020-2030, sera celle où la contrainte écologique va peser de plus en plus fort sur l’organisation de nos sociétés. Je pense bien sûr au réchauffement climatique, à la crise de la biodiversité, mais aussi à l’érosion rapide et dangereuse des terres cultivables dans le monde, aux pollutions de l’air et de l’eau, etc. Et c’est ce constat qui doit guider notre avis sur le futur SRADDET.
Cela appelle notre première remarque : nous approuvons bien sûr ce qui dans l’avis que nous votons ce soir va dans le sens d’une réponse à la crise écologique, à savoir la nécessité de favoriser les déplacements sobres, décarbonés et faiblement émetteurs en polluants ainsi que le fait de porter une ambition forte en faveur des modes alternatifs à la voiture individuelle.
Par contre, nous rappelons notre opposition à la réalisation de nouvelles voiries autoroutières, que ce soit l’Anneau des Sciences ou le grand contournement. Peut-on en conscience souhaiter développer des alternatives à l’automobile et développer les voiries ?
Notre seconde remarque sera notre volonté d’éviter ce que Rabelais aurait appelé des guerres picrocholines, qu’elles soient d’ailleurs territoriales ou partisanes, entre la Métropole de Lyon et les autres territoires de la Région. Bien plus que de compétition entre territoires, c’est de complémentarité que nous avons besoin. Prenons deux exemples :
- La transition énergétique de la métropole que nous entamons au travers du plan climat et du schéma directeur des énergies ne pourra réussir qu’en pensant la production d’énergie à une échelle bien plus grande que celle de la métropole, au moins au niveau de la région. C’est le cas par exemple de l’organisation de la filière bois pour fournir nos réseaux de chaleur, ou de l’installation d’éoliennes et de centrales photovoltaïques hors du territoire métropolitain, mais pour la consommation de la métropole. Les 3 milliards d’euros que dépensent chaque année les entreprises, les administrations et les habitants de la métropole pour leur consommation d’énergie doivent créer des emplois dans les territoires proches plutôt que financer les régimes dictatoriaux et corrompus du pétrole ou du gaz.
- Deuxième exemple : celui de l’agriculture et de l’alimentation. Nous sommes aujourd’hui dans une situation absurde. Si l’on prend un cercle de 50 km autour de Lyon, 98 % de l’alimentation des habitants est importée, et pire encore 97 % de la production agricole du même secteur est exportée. Nos agriculteurs sont concurrencés par des pays à bas coûts salariaux alors que nous importons des aliments de mauvaise qualité, pleins de pesticides et avec un bilan carbone élevé.
Nous devons au contraire faire en sorte que l’alimentation des habitants de la métropole permette de faire vivre correctement les agriculteurs de notre région, et qu’à l’inverse les agriculteurs régionaux produisent des aliments de qualité. Concrètement nous avons besoin que la région développe fortement l’agriculture biologique. L’Assemblée Nationale vient de voter il y a quelques jours un amendement stipulant que les repas dans la restauration collective publique devront d’ici 2022 comporter au moins 50% de produits issus de l’agriculture biologique ou tenant compte de la préservation de l’environnement. Il serait absurde d’être obligé d’aller chercher des produits dans d’autres pays, parce que le rythme des conversions à l’agriculture biologique est trop faible.
Sur ces deux points, nous approuvons donc l’avis qui nous est proposé sur les volets climat-air-énergie d’une part et biodiversité-agriculture de l’autre.
Nous avons la conviction que c’est la transition écologique de notre métropole qui permettra de limiter les concurrences d’encourager les complémentarités entre territoires. Nous approuvons donc l’essentiel de l’avis de la Métropole, réserve faite des infrastructures routières qui nous paraissent inutiles et contestables.
Pour conclure avec Rabelais, s’il est vrai que « le vin est ce qu’il y a de plus civilisé au monde », prenons garde à ce que notre lenteur à changer notre mode de développement ne rende sa culture impossible. Car si le rire est le propre de l’homme, en accusant nos faiblesses et notre imprévision, nos enfants deviendraient hélas agélastes.
Seul le prononcé fait foi