Conseil Métropole / Contractualisation avec l’Etat / Bertrand Artigny

Conseil de la Métropole du 25 juin 2018

Intervention de Bertrand Artigny

N° 2018-2803 – Contrat entre l’Etat et la Métropole de Lyon pour la mise en œuvre des articles 13 et 29 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022

M. le Président, cher-e-s collègues,

Nous sommes nombreux à nous exprimer cet après-midi sur ce dossier… et pour cause. Il porte en lui de vraies orientations davantage politiques que budgétaires et la mise en œuvre de ce contrat ne se fera pas sans difficultés et arbitrages douloureux.

Alors, oui, nous pouvons remercier notre Vice-président aux Finances, ainsi que la Direction Financière et celles et ceux qui ont négocié ce contrat.

Mais, ne nous leurrons pas, c’était une négociation du pot de fer contre le pot de terre. Et une négociation avec un pistolet sur la tempe, est-ce vraiment une négociation ?

D’aucuns diront que nous n’avons pas le choix, étant données les sanctions financières importantes… qu’il nous faut être légalistes. Certains nous diront qu’il ne faut pas mélanger la critique de la loi et le cadrage de nos dépenses de fonctionnement, et que le débat sur les choix budgétaires pour notre compte administratif 2018 et surtout pour le budget primitif 2019 se tiendront plus tard.

Mais ce à quoi nous assistons aujourd’hui, ne serait-ce pas plutôt l’acte 1 de la mort de l’autonomie des communes ? De fait, les budgets des collectivités sont contrôlés par les préfets, donc par l’Etat. Ne serait-ce pas plutôt alors un retour à une mise sous tutelle préfectorale digne de l’époque napoléonienne, qui porte directement atteinte à l’autonomie financière des collectivités et altère le principe constitutionnel de libre administration ?

Si on y rajoute la suppression de la taxe d’habitation, c’est la fin de la maîtrise de pouvoir lever l’impôt et de maîtriser en fin de compte ses politiques publiques.

D’une certaine manière, cette stratégie gouvernementale est dans la continuité de ce qui est pratiqué depuis un an. Manifestement, la politique menée par notre gouvernement vise à limiter ou à contourner le pouvoir des corps intermédiaires : les organisations syndicales avec la loi Travail et la formation professionnelle, la sécurité sociale en gérant les dépenses de santé par l’impôt et non plus à partir des cotisations sociales, l’assemblée nationale en réduisant le nombre de députés et aujourd’hui les collectivités territoriales en les mettant sous tutelle.

La loi de programmation des finances publiques 2018-2022 prévoit donc que les « grosses collectivités » puissent contractualiser avec l’Etat pour une durée de trois ans, afin d’atteindre 13 milliards d’économie sur leurs dépenses de fonctionnement. Si l’État veut faire des économies, nous pouvons lui proposer quelques pistes : en commençant, par exemple, par la suppression de notre arsenal militaire nucléaire dont on voit l’inefficacité et l’inutilité par rapport à la menace terroriste actuelle.

Alors que partout ailleurs en Europe, le mouvement général est à la décentralisation, et qu’il est de plus en plus reconnu que l’échelon territorial est un échelon essentiel pour la mise en œuvre de politiques de cohésion sociale et de protection de l’environnement, le gouvernement actuel s’engage à contre-courant dans un processus de recentralisation.

Pour la Métropole, l’évolution des dépenses retenue dans le contrat est de 1,19 %, soit 24M€, qui permettront de couvrir les évolutions de la masse salariale et l’augmentation des prestations sociales (RSA1, APA2 et PCH3)… et le reste sera à « 0 ».

Aussi des choix politiques et non techniques devront être faits : devrons-nous poursuivre nos engagements en matière de développement durable ? Comment gérerons-nous les incohérences entre nos recettes (par exemple la TEOM4) et le fait que nous ne pourrons pas les affecter à des démarches vertueuses socialement et environnementalement ? À cet égard, nous donnerons-nous vraiment les moyens pour prendre le virage de la réduction des déchets puisque nous ne pourrons pas ouvrir de nouvelles lignes de dépenses en fonctionnement ?

Sur le plan social, pourrons-nous tenir nos engagements sans dégrader le service pour les usagers ? L’augmentation de la population va conduire à l’ouverture de classes, de bibliothèques… Continuerons-nous de privilégier nos engagements pour les populations fragiles et d’accueillir dignement les personnes porteuses d’un handicap, les personnes âgées… En matière d’insertion professionnelle, pourrons-nous maintenir nos efforts à la hauteur des besoins de nos territoires ?… N’oublions pas qu’il y a un risque de diminuer encore les subventions aux associations et de les fragiliser.

Donc nous voyons bien que ce contrat sur les dépenses de fonctionnement porte en lui de grands dangers pour la cohésion sociale de nos territoires et l’engagement de notre Métropole dans la transition écologique.

Encore une fois nous saluons les résultats de cette négociation, mais nous ne pouvons approuver le contexte politique dans lequel il s’inscrit.

Nous nous abstiendrons sur ce dossier.

Merci de votre attention.

 Seul le prononcé fait foi

1 Revenu de solidarité active

2 Allocation personnalisée d’autonomie

3 Prestation de compensation du handicap

4 Taxe d’enlèvement des ordures ménagères