Commission générale du 5 novembre 2018
Intervention de Bruno Charles
Schéma directeur des énergies
Nous voulons féliciter tous ceux qui ont contribué à ce travail important, bien sûr les deux vice-présidents qui se sont succédés, Hélène Geoffroy puis Roland Crimier. Et bien sûr les agents de la mission énergie qui ont accompli un travail d’une quantité et d’une qualité exceptionnelle.
Pour notre métropole, ce travail est fondateur et sera déterminant pour maîtriser notre destin.
En premier lieu, parce que depuis la révolution industrielle, la croissance énergétique a modelé nos territoires :
- L’extraction du charbon a tout d’abord été à l’origine de la première voie ferrée de France, entre Saint-Étienne et Lyon et des infrastructures qui ont avec, comme le technicentre de La Mulatière ou les ateliers de la Mouche à Gerland ;
- L’hydroélectricité ensuite, puisque la construction de ce qui était alors la plus grande centrale hydroélectrique au monde, le barrage de Cusset, a été à l’origine du développement économique et industriel du quartier de la Soie, que nous transformons aujourd’hui en morceau de ville ;
- Le pétrole bien sûr, est-il besoin de rappeler la politique d’adaptation de la ville à la voiture conduite pendant les années 70 du XXe siècle, avec son cortège de destruction auquel le vieux Lyon a échappé scrupuleusement, pour faire passer l’autoroute au centre-ville, mais aussi la construction de quartiers lotissements-dortoirs où les habitants sont prisonniers de leur automobile ;
- Le système électronucléaire enfin, qui devait nous apporter l’abondance et l’indépendance énergétique, mais qui, rappelons-le, ne produit que 17 % de l’énergie consommée en France mais qui laisse des déchets dangereux pour des dizaines de milliers d’années à nos descendants, sans même parler des risques qu’il fait courir aux générations présentes.
Cette course à l’énergie a eu une constante : mieux était synonyme de toujours plus, plus de production, plus de consommation … et plus de nuisances. Et la croissance des besoins en énergie a été exponentielle. Le dérèglement du climat et ses conséquences catastrophiques mais aussi la pollution atmosphérique et ses conséquences sur la santé sont le prix que nous payons aujourd’hui.
Notons également que cette politique énergétique basée sur l’offre est un échec social puisque la précarité énergétique touche près de 10 % de la population sur notre métropole. Et ce chiffre ne prend en compte que l’énergie nécessaire au chauffage du logement, et pas le carburant nécessaire pour se déplacer.
Catastrophe écologique, échec social, il est plus que temps de changer de politique énergétique. De ce point de vue, le schéma directeur des énergies qui nous est présenté apporte deux évolutions très importantes :
- Tout d’abord la réintégration de l’énergie dans le projet urbain. Il est nécessaire que la collectivité qui maîtrise la planification urbaine, avec le schéma de cohérence territoriale et le plan local d’urbanisme et d’habitat, l’organisation des déplacements urbains avec le PDU, puisse réintégrer les réseaux énergétiques dans la planification urbaine ;
- Ensuite et c’est la véritable révolution, une politique basée sur la maîtrise de la demande, sur la sobriété et l’efficacité plutôt que sur l’augmentation de l’offre et de la consommation. Contrairement à certains sur les bancs de cette assemblée qui considèrent que l’esprit humain n’a pas de limites et trouvera toujours la solution, nous pensons qu’il est fondamental de réinsérer notre développement et nos modes de vie dans les limites physiques et écologiques de la planète.
Sur le contenu de ce schéma directeur, quelques remarques :
- Ce schéma directeur des énergies, s’il est mis en œuvre, doit nous permettre une baisse des émissions de CO2 de 40% à l’échéance 2030. C’est donc une brique importante de notre futur PCAET. Néanmoins nous savons que cela ne sera pas suffisant pour respecter une trajectoire conforme à l’accord de Paris de 2015.
Et pourtant, comme nous l’avons vu, les objectifs du schéma ne seront pas faciles à atteindre, notamment ce qui concerne le nombre de logements à réhabiliter et isoler d’ici 2030…
- En même temps que la baisse de la consommation, nous devons augmenter la part des ressources locales renouvelables. Nous avons des ressources potentielles importantes, en particulier dans le photovoltaïque, la production de biogaz, mais également l’hydrogène notamment dans la Vallée de la chimie.
- C’est aussi l’occasion de retisser des liens d’interdépendance et de solidarité avec les territoires proches de la métropole. La facture énergétique annuelle des acteurs de la métropole, entreprises, administrations et ménages, s’élève à trois milliards d’euros par an. Nous souhaitons que ces trois milliards d’euros revitalisent les territoires ruraux, plutôt que de nourrir des régimes dictatoriaux comme l’Arabie Saoudite, la Russie de Poutine ou la caste des généraux algériens.
Notre collectivité pourrait prendre des participations dans des sociétés de production d’énergies renouvelables, comme nous allons le faire tout à l’heure à propos du photovoltaïque dans la Vallée de la chimie. Ce sont des investissements qui peuvent rapporter gros demain pour le budget de notre collectivité, et donc limiter la pression fiscale pour l’avenir.
- Nous devons reprendre le contrôle sur les réseaux de distribution d’énergie, électricité ou gaz, et sur l’équilibre économique de ces concessions qui est très favorable aux entreprises concessionnaires. Ainsi Enedis, filiale à 100 % d’EDF, faut-il le rappeler, a provisionné des milliards d’euros pour des travaux sur les réseaux qui n’ont pas été réalisés. Ces provisions, payées par chacun d’entre nous sur notre facture d’électricité dans le cadre du TURPE (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité) ont fait l’objet d’une bataille entre Enedis, qui réclamait tout simplement l’abandon de ces provisions en fin de contrat de concession par les collectivités pour les remonter en résultat financier à EDF, et les grandes collectivités réunies au sein de France Urbaine qui en réclamaient la restitution. Un compromis a été passé : ces provisions ne seront ni abandonnées ni remboursées, mais resteront inscrites dans les futurs contrats de concession.
Aujourd’hui l’entreprise ENEDIS presse les collectivités à se réengager pour 20 à 30 ans dans de nouveaux contrats de concession, même s’il existe un contrat en cours, ce qui est le cas pour la majorité de la métropole (contrat géré par le SIGERLY). Il n’y a aucune urgence, ni même d’intérêt pour la collectivité à s’engager à nouveau sur 20 ans ou plus. Au contraire, il est nécessaire de prendre notre temps pour rééquilibrer les termes du contrat et fait respecter les intérêts tant de la collectivité que des usagers.
Concluons sur une conviction : ce sont les territoires qui auront le mieux répondu aux enjeux énergie-climat qui survivront aux bouleversements et peut-être même à l’effondrement que nous allons vivre.
Ajoutons également que ce sont ces territoires qui attireront demain les meilleurs talents : le manifeste « pour un réveil écologique » initiée par les étudiants des grandes écoles et signées par 11 000 d’entre eux en est la preuve.
Seul le prononcé fait foi